Journée SFE E&A – Juin 2016

Le groupe thématique ‘Ecologie & Agriculture’ de la Société Française d’Ecologie (SFE) a organisé une journée de lancement et de réflexion autour de ses objectifs à court et moyen termes. Pour rappel, les responsables du groupe sont Sabrina Gaba (@sabrinagaba; INRA Agroécologie, Dijon), Luc Abbadie (iEES-UPMC, Paris), et Sébastien Barot (iEES-IRD, Paris).

Déroulement de la journée
Le groupe Écologie & Agriculture a un site internet :g1.sfecologie.org
Les programmes et présentations (sous accord des orateurs) de la journée y sont partagées.

Synthèse de la journée

Introduction (Sabrina Gaba)
L’introduction avait pour un triple objectif : (i) préciser le choix du nom du groupe, (ii) placer le groupe dans un contexte général et (iii) présenter les objectifs de la journée et les perspectives à moyen-terme du groupe.

  • Il a été décidé de ne pas nommer ce groupe de la SFE « Agroécologie » du fait du caractère polysémite voire connoté de ce terme. De plus « Ecologie & Agriculture » fait echo au groupe de la BES « Agricultural ecology ».
  • Ce groupe a toute sa place dans un contexte où les agro-écosystèmes sont soumis à des enjeux économiques, politiques et environnementaux importants. Ces enjeux sont dépendants d’un contexte de changement climatique, de changement d’utilisation des terres ou encore l’utilisation excessive de produits sanitaires, qui ne permettent pas ou plus une croissance et une stabilité des rendements, et ce malgré des politiques publiques en faveur de la réduction de l’utilisation des pesticides (ex: plans Ecophytos).
  • Dans ce contexte, le groupe SFE Ecologie & Agriculture a pour objectif (1) de faciliter et stimuler l’échange d’idées entre chercheurs travaillant dans le domaine de l’écologie, mais aussi e l’agriculture; (2) de diffuser les questionnements et avancées entre équipes; (3) de faire évoluer les bases théoriques et éléments concrets pour la conception de systèmes agricoles qui répondent à des enjeux socio-économiques; et (4) de donner à l’axe de recherche une identité forte pour viser les politiques.
Thème 1 : Intensification de l’agriculture

L’intensification agricole pose des problèmes liés à la production. Faut-il produire plus sur moins de surface, ou moins sur plus de surface? Comment minimiser les impacts socio-éco-environnementaux par unité produite ? Quels sont les effets indirects des modes de production sur la consommation et les comportements des consommateurs ?

L’agriculture intensive : quels sont les termes du débat pour l’écologie ? (Denis Couvet)
On observe un trade-off entre rendements et biodiversité (Green et al. 2005), mais les études empiriques suggèrent un avantage de l’intensification durable, c’est-à-dire « l’accroissement de la production sur une même superficie tout en préservant les ressources, en réduisant l’impact négatif sur l’environnement et en améliorant le capital naturel et le flux des services environnementaux » (FAO).
Le modèle de Green et al. (2005) présente des limites biologiques car il existe une multitude de métriques possibles pour évaluer l’état de la biodiversité et les impacts de la biodiversité sur les rendements et les services écosystémiques, les effets de la fragmentation des paysages agricoles, les impacts environnementaux des intrants, la variabilité de la qualité des terres, des pratiques, de la demande humaine, etc. Il présente aussi des limites socio-économiques, où les régimes de consommation doivent être pris en compte (voir Desquilbet et al. 2013) via des analyses de cycle de vie. La question qui se pose est : à quel(s) type(s) de demande(s) humaine(s) répondent les pratiques et la production agricole, en prenant en compte les variations de consommation d’un produit, les changements d’usages des terres associés, et le report sur la consommation d’autres produits. Quelle est la place du contribuable, qui est consommateur et citoyen, sur les pratiques via la distribution des subventions ? La transition écologique amène, par nature, à une perte nette d’emploi qui est difficilement défendable du point de vue politique…

Diversité biologique & Hétérogénéité spatiale (Sébastien Barot)
Les grands leviers qui permettent d’améliorer la compréhension des systèmes agricoles et la mise en œuvre de pratiques agroécologiques sont la prise en compte du couplage fin entre les compartiments souterrains et aériens et leur rétroactions complexes, la structuration spatiale du système (ex: agroforesterie, méthode du Zaï,…) et le couplage entre les échelles écologiques qui permettent une évolution et une sélection naturelle. Enfin, montrer qu’en moyenne la biodiversité améliore la production ne suffit pas pour choisir, par exemple, le meilleur mélange variétal. Il faut prendre en compte les interactions avec les pratiques agricoles. En effet, l’agriculteur veut avant tout augmenter sa marge après la prise en compte de l’intégralité de ses coûts.

Thème 2 : Agriculture & Changement Climatique – le 4 pour 1000 est-il la solution ?

Le 4 pour 1000 : mythe ou réalité ?  (Luc Abbadie)
Le mouvement 4 pour 1000 (http://4p1000.org/) a été lancé à l’occasion de la COP21 en Décembre 2015. A quoi correspond-t-il ? Cette valeur de 4 pour 1000 correspond au « taux de croissance annuel du stock de carbone dans les sols qui permettrait de stopper l’augmentation actuelle du CO2 dans l’atmosphère ». Cette valeur correspond à une valeur mondiale et ne répond pas aux spécificités locales des sols (sols froids non manipulables avec déstockage de carbone attendu, sols cultivés généralement émetteurs de carbone, …). De même, en matière de fertilité, le lien entre productivité et fertilité du sol dépend de ce qu’il y a dessus. Un sol peu fertile peut se révéler être très productif. Enfin, une attention doit être portée à la temporalité (et synchronisation) lorsqu’on étudie les interactions entre le compartiment sol et la plante cultivée. Un organisme peut produire/libérer de l’azote, mais si cette production ne correspond pas à la période de croissance de la plante, une pratique culturale voulant utiliser cette production a moins de sens…

Comment intégrer les interactions biotiques dans les recherches sur la séquestration du carbone dans les sols ? (Thomas Lerch)
Thomas Lerch a présenté les résultats des travaux de son équipe (iEES, BioDIS ) sur l’intégration des interactions biotiques dans les recherches sur la séquestration du carbone et les émissions de CO2 par les plantes, vers de terre dans des sols avec un gradient de matière organique (technosols; voir Deeb et al. 2016). 

Thème 3 : Et si les milieux agricoles devenaient des refuges pour la biodiversité ?

Contribution de l’agriculture au maintien de la biodiversité ordinaire (Guillaume Pain & Joséphine Pithon)
Des organisations internationales mettent en place des actions de conservation et assurant un suivi de leurs actions afin de rendre compte des impacts concrets des politiques de conservation sur la biodiversité et sur le bien-être humain, notamment en milieu agricole, via l’Evidence-based conservation project (http://snappartnership.net/groups/evidence-based-conservation/).

Dans le contexte français, quatre pistes de travail sont possibles pour répertorier l’impact des politiques de conservation sur la biodiversité agricole: (1) compléter l’information pour les formes d’agriculture communes en France mais rare ailleurs (ex: viticulture); (2) mieux intégrer le fonctionnement et les contraintes des systèmes agricoles dans les travaux d’écologie; (3) articuler les travaux en écologie fonctionnelle en lien avec le patrimoine; (4) dépasser l’échelle de l’exploitation agricole pour étudier les processus à l’échelle du paysage, en intégrant les plans d’aménagement de l’exploitation par exemple.

Applications des métacommunautés à la détection et la prédiction des bioagresseurs et de leurs biocontrôles (Alan Vergnes & Pierre Jay-Robert)
La prise en compte de l’échelle paysagère implique aussi l’étude des métacommunautés, c’est-à-dire l’étude du fonctionnement des communautés, qui prend nécessairement en compte les réseaux de communautés locales connectées par leurs interactions et les mouvements d’espèces entre communautés. Cela se traduit notamment dans la lutte biologique intégrée contre les ravageurs en faisant appel au biocontrôle.

Plan de réflexion sur les axes de travail du groupe SFE
  • Comment se donner la liberté d’aller loin dans les idées sans se contenter d’une « application à tout prix », afin d’y faire émerger un nouveau modèle qui pourra ensuite être dégradé pour l’adapter aux contraintes actuelles ?
  • Les écologues font l’objet de demande d’outils d’aide à la décision basés sur des bioindicateurs. Quelle est la pertinence de ces outils? Un recensement des indicateurs est nécessaire. De même, il faut rester vigilant au développement d’indicateurs par des acteurs autres que des écologues, tels que les grands groupes phytosanitaires (ex: Bayer, Monsanto) ou des acteurs d’autres disciplines (agronomes, économistes;…) qui ont d’autres enjeux, définitions et perceptions. En conclusion, les écologues doivent traiter ce sujet.
  • Comment mieux communiquer vers l’extérieur et s’organiser sur cette thématique pour peser dans le débat public, proposer des règles et des domaines de validité des résultats d’études trouvés pour les replacer dans un contexte et faciliter leur communication aux acteurs du monde agricole, au grand public et politiques ?
  • Comment articuler ce groupe SFE avec les actions menées par l’Association Française d’Agronomie (AFA; http://www.agronomie.asso.fr/), « l’Etude scientifique des relations entre les plantes cultivées, le milieu [envisagé sous ses aspects physiques, chimiques et biologiques] et les techniques agricoles » ?
Plan d’action

Plusieurs possibilités de travail ont été évoquées, toutes étant participatives:

  • partir d’hypothèses formulées ou de projets entrepris par les agriculteurs eux-mêmes, et les soutenir/accompagner ;
  • partir de réseaux existants qui peuvent être mobilisés en réseau (ex: Agriculture Ecologiquement Intensive (AEI; http://www.chaire-aei.fr/), Groupement Régionaux Agriculture Biologique (GRAB; https://www.grab.fr/), Groupement d’Intérêt Économique et Environnemental (GIEE) ;
  • identifier des réseaux agronomes, écophysiologues, … qui veulent travailler avec des écologues
  • constituer un noyau de membres pour explorer les scenarii économiques en agriculture avec des économistes et caler un axe scientifique, en gardant à l’esprit que l’économie est un outil en agriculture, lui-même au service de la Société ;
  • faire un état des lieux de bioindicateurs existants (court terme) et chercher d’autres indicateurs (plus long terme) ;
  • la possibilité de publier un texte fondateur dans la Revue académie française d’agriculture a été évoquée.

Prochains rendez-vous

  • Atelier le mardi 25 octobre, 18h30-20h, au colloque Sfécologie :

http://sfecologie2016.sciencesconf.org/resource/page/id/28
Inscription sur http://doodle.com/poll/2bkhiy9sbcxqumc7

  • Appel à la rédaction d’un chapitre dans Sustainable Agriculture Reviews. Date limite d’envoi: 2 décembre 2016.

http://www.springer.com/cda/content/document/cda_downloaddocument/CallEcoAgri.pdf?SGWID=0-0-45-1566222-p173873605
Pour participer : http://doodle.com/poll/tqarbcfstu54zwy6

Références citées pendant la journée :